Alex Pella vise la Barcelona World Race
Nous avions rencontré le navigateur Barcelonais alors qu’il préparait la Transat Jacques Vabre. Arrivé le 16 novembre dernier à la première place avec Lalou Roucayrol sur Arkema dans la classe Multi50, il prévoit ensuite de constituer une équipe IMOCA pour le prochain tour du monde en double. Depuis sa première et unique participation à la Barcelona World Race 2010/11, Alex Pella a le meilleur palmarès réalisé par un régatier transocéanique espagnol, grâce à sa victoire de la Route du Rhum et son record absolu du tour du monde. Nous l'avons interviewé quelques jours après avoir quitté Le Havre.
Le 26 octobre 2005, à Salvador de Bahia, la fin de la Mini-Transat a connu un record historique : Alex Pella (Barcelone, 1972) est devenu le premier Espagnol, et le troisième non-Français, à remporter une étape de course océanique. Alex a démontré son véritable esprit de vainqueur qu'il a d'ailleurs toujours eu au cours de sa carrière.
L'IMOCA 60 - Estrella Damm avec lequel Alex a participé avec Pepe Ribes lors de la BWR 2011. Photo : Maria Muiña
Le 26 octobre 2005, à Salvador de Bahia, la fin de la Mini-Transat a connu un record historique : Alex Pella (Barcelone, 1972) est devenu le premier Espagnol, et le troisième non-Français, à remporter une étape de course océanique. Alex a démontré son véritable esprit de vainqueur qu'il a d'ailleurs toujours eu au cours de sa carrière.
Depuis lors, la progression d'Alex a été spectaculaire. Il a commencé à naviguer en Class40 et, en 2009, il est passé à l'IMOCA dans le but de participer à la Barcelona World Race 2010/11 avec Pepe Ribes à bord du Estrella Dam. Ils ont remporté le Record de navigation océanique à la voile entre New York et Barcelone, en 12 jours, 6 heures, 3 minutes et 48 secondes et sont arrivés à la quatrième place du tour du monde barcelonais, après une course passionnante au cours de laquelle ils ont montré comment faire face aux pannes, aux cyclones et aux blessures corporelles.
Alex a continué à naviguer sur le circuit IMOCA et est retourné à la Class40 avec le Tales II, un extraordinaire bateau de conception et de construction espagnole grâce auquel il a décroché la 2e place lors de la Transat Jacques Vabre 2013, puis une extraordinaire victoire de la Route du Rhum 2014. Grâce à cette victoire, le navigateur barcelonais est devenu le premier Espagnol à remporter une course transocéanique. Alex a également battu le record de l'épreuve en mettant 16 jours, 17 heures, 47 minutes et 8 secondes de Saint-Malo à la Guadeloupe. Son mérite est d'autant plus grand qu'il a navigué sans l'aide d'aucun sponsor.
A l'époque, Alex avait déjà commencé à naviguer sur des maxi-trimarans. Il a gagné la Route des Princes 2013 avec le Prince de Bretagne 80 de Lionel Lemonchois puis, en 2015, a rejoint l'équipe de Francis Joyon à bord de l' IDEC Sport, en tant que second skipper. En janvier 2017, il a réalisé un exploit spectaculaire : le Trophée Jules Verne, avec un record absolu de 40 jours, 23 heures et 30 minutes et 30 secondes autour du monde. Cet exploit lui a valu d'être élu la «Personnalité de l'année» de la voile espagnole par la Asociación Española de Prensa Náutica (Association Espagnole de Presse Nautique).
Alex vise de nouveau la Barcelona World Race avec un projet qu'il qualifie de «passionnant». Mais avant, il a pris le départ de la Transat Jacques Vabre le 5 novembre dernier. Il y a participé en classe Multi 50 à bord de l'Arkema avec le navigateur français Lalou Roucayrol. Ensuite, il prévoit de battre le record de Hong-Kong à Londres avec le Maserati.Nous l'interviewons en pleine préparation de la traversée de l'Atlantique en double.
Q: Alex, vous avez excellé dans toutes les classes de courses océaniques auxquelles vous avez participé : Minis, Class40, IMOCA, MOD70 et les maxi-trimarans de la classe Ultime. Dans laquelle vous êtes-vous senti le plus à l'aise ? Est-ce qu'il y en a une grâce à laquelle vous avez appris davantage ?
R: Merci pour le "excellé" ! J'essaie juste de m'amuser, de continuer à profiter de ma passion et d'être en constante évolution. Une qui m'a plus plu ? C'est difficile de n'en choisir qu'une. J'aime les choses difficiles, la nouveauté et tout ce qui permet d'apprendre, que le bateau et le projet te surpassent. Donc chaque bateau, chaque projet a eu son moment spécial pour moi. Je prends tout.
Q: Votre évolution en mer est assez exemplaire : vous avez commencé sur le Mini pour passer à la Classe 40 puis à l'IMOCA et aux Ultimes. Pensez-vous que ce soit un modèle qui puisse s'adopter en Espagne ou il n'a de sens que dans un pays comme la France ?
R: Non... Je suis autodidacte, je ne sors ni d'un centre de formation, ni du haut rendement, ni d'une commission, ou équivalent... Nous sommes issus de la navigation en famille. Je dis toujours que, si je suis là où je suis, c'est grâce à mon entourage, ma famille et mes amis. Je dis ça parce que je ne pense pas que, dans mon activité, il existe deux carrières de navigateur identiques.
Mais je comprends votre question, et si je prends du recul, on dirait que ma carrière est préconçue, mais c'est faux. J'ai toujours fonctionné en fonction des opportunités. Je suis là où je suis grâce au travail au jour le jour. Quant au pays, il faut aller là où l'activité se trouve.
Alex Pella "Le Diable Espagnol", à son arrivée à Salvador de Bahía, remportant la longue étape de sa deuxième Mini Transat.
Q: Quelle est, selon vous, la valeur que vous avez apportée à un projet comme celui de l'IDEC Sport? Quelle était votre relation avec Joyon?
R:C'est très difficile de parler de soi. Quand François m'a appelé, j'étais à un très bon moment de ma vie, et il m'a donné beaucoup de responsabilité pour le projet avec beaucoup de liberté, à la fois dans le travail quotidien sur terre et après en mer. Cela m'a immédiatement mis très à l'aise, cela m'a donné confiance et je pense que j'ai réussi à transmettre cette confiance et cet enthousiasme au reste de l'équipe. Honnêtement, cela a été ma grande contribution au groupe. Au bout du compte : deux années fantastiques à bord de l'IDEC Sport. Francis est un marin unique et irremplaçable et une personne vraiment extraordinaire. J'ai beaucoup apprécié et beaucoup appris avec lui. Nous sommes toujours étroitement liés, en fait nous avons des projets ensembles pour l'avenir.
Q: Et maintenant vous préparez la Transat Jacques Vabre, avec l'équipe d'Arkema à bord d'un Multi50 ? Comment vous êtes-vous senti sur ce trimaran ? Et avec Lalou et l'équipe ? Quel objectif vous êtes-vous fixé pour la course ?
Alex à bord du Multi 50 Arkema de Lalou Roucayrol, avec lequel il a disputé la Transat Jaques Vabre 2017. Photo : Vicent Olivaud
R:Oui, un autre Multicoque, un multi 50. Ces bateaux sont rapides et très amusants. C'est aussi une nouvelle expérience pour moi étant donné que je débute dans cette classe. Pour ce qui est du concept, le bateau ressemble beaucoup à mes précédentes expériences en multicoques mais en plus petit, plus maniable, plus nerveux, plus humide, et bien sûr beaucoup plus inconfortable ... Je me suis très vite adapté à l'équipe Arkema, puisque nous n'avions pas beaucoup de temps.
Je suis venu ici pour remplacer Karine qui s'est blessée lors des qualifications. Je dois dire que je me suis senti très bien accueilli par Lalou et toute l'équipe. C'est une équipe familiale, avec des gens passionnés, avec lesquels je me sens très à l'aise. Lalou a une très grande expérience avec ce type de bateaux et connaît parfaitement le sien, cela me facilite beaucoup la vie à bord.
Les objectifs... Comme toujours, se donner au maximum, profiter et passer de bons moments en mer.
Q: En plus de toute votre activité dans les grandes courses à la voile et les records océaniques, pendant la saison estivale, vous faites beaucoup de courses à bord du Galvana?
R:Oui, c'est un excellent complément à mon activité. Cela me permet de sortir un peu de la voile océanique, et de repartir avec mes frères et nos amis sur l'un des bateaux de la famille. En plus, c'est un moyen de me retenir chez moi parce que sinon je serai toujours parti. C'est vrai qu'on continue à bien profiter du Galvana, que ce soit pour des régates ou des croisières.
La Galvana en course lors du Trophée Panerai - Copa del Rey des classiques 2017. Photo : Guido Cantini
Q: Votre carrière aurait été la même si vous n'aviez pas maîtrisé le français ?
R: Je ne sais pas... mais c'est sûr que ça aide. Comme je l'ai déjà dit, il faut aller où l'activité se trouve et s'intégrer au maximum. En tout cas, c'est ce que moi je fais.
Q: Avec votre victoire de la Route du Rhum, c'est la première fois qu'un navigateur espagnol gagne une course océanique. Vous vous sentez reconnu ? Est-ce que cela vous a permis d'obtenir plus facilement des sponsors pour d'autres projets ?
R: C'est possible, la reconnaissance est toujours très diversifiée. La Route du Rhum est un événement majeur en France, je l'ai remportée dans la classe la plus petite et la plus nombreuse, sans sponsor et avec un bateau conçu et construit en Espagne. Cela a eu une grande répercussion dans le milieu de la voile Bretonne. Depuis lors, je suis très sollicité par les équipes et les navigateurs bretons. Je navigue avec les meilleurs, avec des gens super intéressants et aussi très différents. Je me rends compte que ça m'a beaucoup fait progresser. Je suis très à l'aise en Bretagne, le respect qu'ils ont pour moi est réciproque. Là-bas, je peux m'exprimer au maximum en tant que marin. Cependant, je n'ai pas de projet personnel depuis la Route du Rhum. Maintenant, je suis dans une position très différente de celle d'il y a quelques années. Il y a beaucoup plus de chances qu'un sponsor vienne me voir pour monter un projet, que l'inverse.
Q: Quel principal conseil donneriez-vous à un débutant espagnol pour construire une carrière de régatier océanique?
R: Ben.... C'est difficile pour moi de donner des conseils.... Je dirais qu'il faut apprécier ce que l'on fait, trouver sa place et être honnête et exigeant avec soi-même.
Evidemment, en Espagne, c'est difficile de démarrer parce que la grande majorité de notre société ne connait pas le monde de la mer. Mais il faut aller vers ce qu'on ressent, toujours en évaluant les risques. Ce qui est bien, c'est que jusqu'à présent, chacun est libre de choisir sa voie.
Q: Votre participation à la Barcelona World Race 2010/11 à bord de l'Estrella Damm avec Pepe Ribes a été pleine de moments passionnants : de quoi vous souvenez-vous et comment vous en souvenez-vous plus de six ans plus tard?
R: Oui, il y en a eu beaucoup ... Eh bien, quand on nous a donné l'occasion de faire partie d'une grande équipe, ça a été un grand moment. Après, toute la préparation avec l'équipe et bien sûr la Barcelona World Race dans laquelle nous avons vécu toutes sortes de situations. Une grande expérience pour moi.
Q: Lors de la remontée de l'Atlantique, vous avez maintenu un duel mémorable avec le Neutrogena de Boris Hermann et Ryan Breymaier. Cette lutte a-t-elle consolidé votre amitié ?
R: Ha ha ha ... Nous revenions de loin, et de situations difficiles que nous avions réussies à surmonter. On s'est rencontrés avec Boris lors de cette édition de la Barcelona World Race et on est toujours restés en contact. Ensuite, on s'est retrouvés lors de deux tentatives pour battre le record du tour du monde à bord de l'IDEC Sport. C'est un bon ami et on est très souvent en contact.
Q: Pensez-vous que vous participerez à la prochaine Barcelona World Race 2018/19 ?
R: J'aimerais bien, ce serait un plaisir de disputer à nouveau cette course fantastique. Je vous avoue aussi que pour moi c'est un luxe de disputer une course qui part et arrive de chez moi. Donc ce serait genial.
Q: Où en êtes-vous de votre projet ?
R:J'ai plusieurs propositions, il est un peu tôt pour pouvoir vous annoncer quoi que ce soit. En tout cas elles sont tous passionnantes ... Je vais toujours pas à pas et maintenant je me concentre sur la Transat Jacques Vabre, entre Le Havre et Salvador de Bahia avec un départ imminent, et ensuite pour janvier sur le record de la Route du Thé entre Hong Kong et Londres à bord du MOD 70 Maserati. Bien que je ne sois pas souvent chez moi, je suis de près l'actualité de la FNOB, ainsi que l'évolution des projets qui vont être impliqués.
Q: Que pensez-vous du format de la régate : deux étapes avec une escale à Sydney et la possibilité de changer de co-skipper?
R: À mon avis, je pense que c'est une bonne chose. Pour moi, ce changement est adapté à l'évolution de la classe IMOCA. Cela donnera sans doute accès à de nouvelles personnes dans la classe, à un moment où il semble y avoir un changement de génération.
Alex Pella en RR.SS:
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